Otto Schily, «Big Brother» de l'année en Allemagne

Le ministre de l'Intérieur a été «primé» pour sa politique d'«espionnage».

Par EMMANUÈLE PEYRET

Les résultats du Big Brother Award sur privacyinternational.org. n grand bol plein de cafards: la Poste autrichienne, pourtant peu réputée pour son humour, s'est déplacée, le 26 octobre, pour recevoir son Big Brother Awards (BBA), sorte d'oscars annuels du flicage. Ce ne fut pas le cas du grand gagnant de l'édition allemande de cet ironique concours (1), le ministre de l'Intérieur Otto Schily, qui a remporté à l'unanimité le prix d'honneur et le Grand Prix dans la catégorie politique. En raison «d'autres rendez-vous», selon un de ses porte-parole, le ministre SPD (ex-Vert et avocat de la Fraction armée rouge) n'a pas pu assister à la cérémonie qui s'est tenue à Bielefeld, dans une salle de l'historique filature de la ville.

Rappelons que ce concours, créé il y a trois ans, en Angleterre, par Simon Davies, directeur de l'association de défense des droits de l'homme Privacy International, récompense les «meilleurs représentants du mépris du droit fondamental à la protection de la sphère privée, sur le Net et ailleurs». Félicitations donc à Otto Schily pour l'ensemble de son œuvre, qui, à en croire les organisateurs, «contribue, sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, à la restriction des droits des citoyens en Allemagne et en Europe».

Cyberguerre. De tous les politiques allemands qui se prononcent sur la vie privée, en particulier depuis les attentats du 11 septembre, c'est Schily qui a été le plus loin, plaidant pour «un renforcement des pouvoirs de la police et des services secrets», se demandant si «les questions de protection des données ne sont pas exagérées» et, du coup, n'ont pas comme effet pervers de protéger les terroristes. Peu après les attentats, le ministre de l'Intérieur allemand avait présenté une farandole de mesures d'urgences pour renforcer la surveillance des communications sur l'Internet et au téléphone. En avril, il avait déjà proposé de lutter contre les sites néo-nazis hébergés aux Etats-Unis: une sorte de cyber-guerre basée sur l'inondation des serveurs sous un énorme volume de trafic. Une méthode empruntée aux pirates informatiques, comme l'adolescent canadien «Mafiaboy», condamné en septembre pour avoir attaqué de grands sites et portails Internet tels que CNN, Yahoo ou eBay, en février 2000.

Fichage. Lors de la cérémonie, Simon Davies a rappelé que les Big Brother Awards 2001 sont, plus encore que les autres années, «un moyen d'attirer l'attention sur les menaces actuelles qui planent sur la sphère privée». L'édition française des BBA est prévue en janvier 2002. L'an dernier, elle avait notamment couronné l'Etat français et son système de fichage appelé Stic (système de traitement des infractions constatées), grâce auquel tout individu ayant eu affaire à la police est fiché.

(1) Les BBA ont également lieu en Grande-Bretagne, en Autriche, en Suisse, aux Etats-Unis, au Canada, en Hongrie et en France.

La Liberation, 02. November 2001